mardi 18 mai 2010

Hôpital Avicenne, Bobigny




Si quelqu'un reconnaît cette langue en bas à gauche (au dessus de Bine ati venit), j'aimerais beaucoup savoir de quoi il s'agit.


Nous sommes dans les années 1920, Paris souffre d'une sévère recrudescence des cas de tuberculose. Pour endiguer le fléau, le corps médical tente d'identifier les principaux porteurs de germes. Les pauvres et les étrangers qui vivent dans les bidonvilles de la région parisienne sont rapidement désignés comme étant à l'origine de l'épidémie. On reproche aux étrangers de monopoliser les lits d'hôpitaux aux dépens des français.
Dans ce contexte, Pierre Godin, conseiller municipal de la ville de Paris, propose la création d'un hôpital réservé aux malades franco-musulmans (comprendre Algériens). Ancien préfet en Algérie, M. Godin s'impose vite comme un spécialiste des questions Nord Africaines; pour assurer le financement de l'hôpital, il compte sur des subventions venant des colonies. Il estime par ailleurs que le mode de vie musulman et leur régime sobre devrait permettre des économies substantielles.
La création d'un hôpital franco-musulman doit permettre d'isoler les malades algériens, responsables de l'épidémie de tuberculose, mais Pierre Godin y voit bien d'autres avantages. L'hôpital va permettre aux Algériens de se retrouver entre eux, de ne pas se sentir isolés dans un pays qui leur est étranger. L'hôpital sera adapté aux pratiques religieuses des musulmans et respectera notamment leurs coutumes alimentaires, les plats seront alternativement français ou maghrébins, il n'y aura ni porc, ni vin (tous ceux qui ont eu la chance d'être hospitalisés en France savent que l'on y sert un petit vin rouge fameux).
L'hôpital Avicenne est inauguré en 1935, on doit son architecture à Léon Azéma, architecte de la ville de Paris et à Maurice Mantout, également architecte de la grande Mosquée de Paris, tous les deux sont de grands amateurs de l'architecture mauresque.
Afin d'optimiser l'occupation des lits, tous les malades algériens hospitalisés sur Paris sont déplacés à Bobigny par cars de ramassage. Outre le fait que l'hôpital est construit dans une zone marécageuse, en face d'une société de vidange, il est également très mal desservi. Très vite, les malades se plaignent d'être loins de leur famille qui ne peut leur rendre visite. Certes, ils sont au sein de la grande famille algérienne, mais pour un certain nombre, adaptés à la vie française, ce n'est qu'un réconfort relatif. Ils commencent à s'indigner contre cette hospitalisation forcée, se sentant mis en quarantaine. En 1937, prés de 600 algériens refusent l'hospitalisation à Bobigny.
C'est dans cet hôpital qu'exerce Marie-Rose Moro, dont j'ai parlé à plusieurs reprises. Pour l'anecdote, Jacques Brel y serait décédé, en 1978.
Pour en savoir plus: Sophia Lamri, "L’hôpital franco musulman de Bobigny : une œuvre unique de ségrégation coloniale (1926-1935)", In Histoire de l’immigration et question coloniale en France, Sous la direction de Nancy L. Green et Marie Poinsot, La documentation française, 2008.