En ce moment au Jeu de Paume à Paris, on peut voir le travail d'Esther Shalev-Gerz, artiste née en Lituanie, qui a grandi en Israël et qui vit désormais à Paris. Esther Shalev-Gerz s'intéresse notamment à la mémoire individuelle et collective, au temps et à l'espace.
Une des salles de l'exposition est consacrée aux habitants de Botkyrka en Suède. L'artiste a interrogé 35 personnes primo migrantes, de toutes origines, leur posant à toutes les quatre mêmes questions: En venant vous installer ici, qu'avez-vous perdu? Qu'avez-vous trouvé? Qu'avez-vous reçu? Qu'avez-vous donné?
Les réponses sont présentées sur un grand mur qui fait face à un autre mur sur lequel sont projetés des gros plans des personnes interrogées confrontées à leurs propres réponses. Voici quelques-unes des réponses que l'on peut lire:
"Je réponds que mon chez moi c'est la petite ville d'où je viens, c'est mon vrai chez moi, mais mon coeur bat pour Botkyrka. J'aime tellement la vie ici, si Botkyrka était une personne, je lui dirais je t'aime"
"J'ai perdu ma femme ici. Elle repose à Lilla Dalen. Depuis, la Suède est devenue encore plus mon pays"
"Sarajevo, c'est comme Stockholm, beaucoup de théâtres, de cinémas. J'aimerais dire à Stockholm, aux gens de Stockholm, merci beaucoup, un grand merci. Grâce à vous j'ai survécu"
" Ca on peut aussi le remettre en question, à savoir si la première génération dont je fais partie veut être totalement acceptée. Ce n'est pas certain. En mon for intérieur, je veux garder mon bagage, je veux le garder tout en m'adaptant à la société"
"Ce que j'ai gagné en restant ici? Mes dents par exemple. En Pologne j'avais peur d'aller chez le dentiste, j'étais bien parti pour perdre toutes mes dents, mais je n'en n'ai perdu que deux et j'ai trouvé un bon dentiste ici. Je continue à aller chez lui, c'est un ange".
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Par ce procédé finalement assez simple, Esther Shalev-Gerz parvient très bien à montrer l'individualité de chaque migration, c'est une oeuvre très réussie.